Comment réagissez-vous ?
Chantal Couvreur : « Quand on se prépare pour la retraite, on sait qu’on s’en va. Là, je ne suis pas prête psychologiquement à être licenciée. Ce n’est pas du tout un départ tranquille. C’est un départ précipité vers l’inconnu… »
Gérard Allain : « C’est une interruption brutale de carrière. Nous avons toujours connu des gens contents de partir car ils avaient effectué leur temps. Ils étaient libérés. Là, nous sommes abandonnés. Et si près du but pour beaucoup d’entre nous ! »
En voulez-vous au groupe Technicolor qui vous lâche ?
Chantal Couvreur : « Ce n’est pas vraiment le mot. Je ne les connais pas. Je ne peux pas cautionner ce qu’ils font. Ils n’ont aucune considération pour ce que nous avons vécu. Ici, c’est les trois quarts de notre vie, une vraie famille. »
Gérard Allain : « Je leur en veux sur la méthode. Il n’y a aucun dialogue. C’est une décision unilatérale, sans explications. Ils ont sûrement leurs raisons. Ce n’est pas bien. »
Vous manifestez devant le siège social de Technicolor, à Issy-les-Moulineaux, et non pas devant le tribunal de commerce de Nanterre, comme en juin dernier. Pourquoi ?
Chantal Couvreur : « C’est pour avoir un impact auprès de Technicolor. Je veux faire savoir à Technicolor qu’on ne peut pas nous jeter comme des malpropres. D’ailleurs, je ne le comprends toujours pas… »
Gérard Allain : « Technicolor est responsable de ce qui nous arrive, pas le tribunal qui n’en est que la conséquence. Il n’y a que Technicolor qui peut changer ou améliorer les choses. Ils ne reviendront jamais sur leur décision de fermer mais ils peuvent aider les gens qui seront sur le carreau. »
Qu’attendez-vous maintenant ?
Chantal Couvreur : « Si seulement on le savait. S’il y a possibilité de continuer, qu’ils nous en donnent les moyens. Sinon, un dédommagement substantiel qui corresponde à la vie passée là, et au manque à gagner. »
Gérard Allain : « Si cela se passe mal, avec la fermeture de l’usine, il faut un maximum de gens reclassés, sauvés. Et que ceux qui restent sur le carreau soient correctement indemnisés. Aujourd’hui, il n’y a rien de proposé. »
Vous avez travaillé, tous les deux, presque 40 ans chez Thomson. C’est toute une vie…
Chantal Couvreur : « C’est ma vie. J’ai commencé ici à 17 ans. J’avais une dizaine de membres de ma famille qui travaillaient ici. J’ai fait du montage, de l’insertion, de la peinture au pistolet, du contrôle, de la soudure… Il y avait 3 000 personnes ici. Ça grouillait de monde. Certains circulaient à vélo. Aujourd’hui, ça ressemble à une usine désaffectée ! »
Gérard Allain : « Je leur dois tout, mes tendinites et mes hernies discales (rire). J’ai fait le bureau d’études des maquettes électroniques, les préséries, le dépannage sur ligne… Nous avons travaillé toute notre vie ici et nous allons nous retrouver au chômage. Il va me manquer des trimestres de cotisation et c’est ça le problème. C’est révoltant ! »
Votre avenir, vous le voyez comment ?
Chantal Couvreur : « Très très flou. On n’entend que des licenciements partout. Tous les jours, une boîte ferme. Il n’y a plus d’industrie. Tout fout le camp et ça m’énerve. Ce n’est pas normal d’exploiter des gens en Asie et nous, de nous plonger dans la misère. »
Gérard Allain : « Cela va être plus difficile que prévu. Je me voyais avec une fin de carrière normale. Là, je vais être confronté au chômage. Je vais vers l’inconnu. Et ce n’est pas à 56 ans que je vais quitter la région pour finir ma carrière. »
Les élus viennent de faire paraître deux pages dans et pour dénoncer la stratégie de Technicolor. Qu’en pensez-vous ?
Chantal Couvreur : « Je trouve bien que les élus nous accompagnent. Seulement tous les Angevins ne nous comprennent pas. Ils voient que tout ferme et certains nous en rendent responsables ! »
Gérard Allain : « Tout soutien est bon à prendre. La méthode est bonne mais c’est un peu tard… »
Propos recueillis par Ouest France Jean-Michel HANSEN.
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